Danièle Cusin-Brunner est une officiante de cérémonie laïque que j’ai eu la chance d’interviewer sur le sujet de « l’hommage aux absents au cours de la cérémonie laïque de mariage ». Un sujet qui me tient à cœur et dans lequel elle excelle ! Mais c’est avant tout une officiante que j’admire pour son humanité, sa tolérance et sa douceur. Elle est capable d’accueillir chacun dans son intégrité et ses croyances. Une sensibilité rare que le nom de son agence « Just the way you are » reflète à merveille !
Cette vocation naît chez Danièle après avoir officié la cérémonie de mariage de sa meilleure amie en 2012. L’idée de se professionnaliser n’émerge pas tout de suite, mais fait son chemin doucement dans ses réflexions de reconversion. Le déclic survient en 2016 grâce à son cher mari qui lui met la puce à l’oreille… Elle décide alors de se former auprès de l’équipe « A deux mains tenant ». Après 8 ans de métier, elle exerce toujours avec la même passion.
Si je l’ai invitée à répondre à mes questions sur le sujet de l’hommage aux absents, c’est aussi parce qu’elle exerce son métier d’officiante laïque pour les cérémonies de funérailles. Cette activité a toujours fait partie du projet initial, mais ne viendra s’ajouter à ses compétences qu’en 2018 grâce à une formation de célébrant de vie. Deux facettes de son métier bien différentes, mais qui parlent au fond de la même chose : l’amour !
Voici la retranscription de notre discussion truffée de conseils pour les futurs mariés et les officiants.
Photo : Aude Schalk
Margaux :
Quel est le sens d’un hommage aux absents au cours d’une cérémonie laïque de mariage ?
Danièle :
Un hommage a toute sa place dans une cérémonie de mariage quand on a perdu un être cher, un parent, un parrain ou une marraine, des grands-parents… un être qui a du sens dans notre vie. L’hommage est une façon de leur donner une place dans la cérémonie et de les avoir auprès de nous, peu importe les croyances qu’on place derrière ce geste.
Il y a aussi les personnes à qui ça ne va pas parler car les morts doivent rester là où ils sont. Et tout se respecte.
Margaux :
Quels sont les moments de la cérémonie qui se prêtent le mieux à un hommage aux absents ?
Danièle :
Je le mets plutôt au début pour que le proche soit là pendant toute la cérémonie. C’est particulièrement chouette quand on allume une bougie pour qu’elle brûle tout au long de la cérémonie.
J’ai certains mariés qui me demandent de faire l’hommage au cours d’un rituel. Par exemple, pour le rituel des mains liées, ils dédient un des rubans à leurs proches disparus. Je trouve ça très beau, mais j’ai quand même ma petite préférence pour le début de cérémonie.
Margaux :
Est-ce qu’on peut carrément faire un hommage aux deux endroits, ou c’est too much ?
Danièle :
On peut aussi exploiter l’hommage aux deux endroits pour donner de la continuité. Par exemple, utiliser la bougie allumée lors de l’hommage en début de cérémonie pour allumer les bougies du rituel de couple.
Mais il faut que ce soit OK avec le couple parce que ça vient réactiver des émotions à plusieurs reprises dans la cérémonie.
Margaux :
Comment bien l’intégrer sans provoquer de rupture dans le déroulement de la cérémonie de mariage ?
Danièle :
Je donne de la fluidité grâce aux mots que j’utilise. Par exemple, quand je parle du souhait des mariés d’avoir tous leurs proches réunis, j’en profite pour évoquer les absents aussi de façon discrète.
Je joue beaucoup sur les métaphores pour édulcorer l’image. À l’inverse d’une cérémonie de funérailles, où l’on a parfois besoin d’utiliser les mots « mort » ou « décès », je préfère parler de ceux « qui assistent à la cérémonie depuis les étoiles » ou des « absents ». Des termes moins crus pour ne pas heurter. Le terme « absent » est intentionnellement flou, car il peut simplement faire référence à ceux qui n’ont pas pu se rendre au mariage.
Margaux :
Quelle forme peut prendre un hommage aux absents ? Et comment les mariés peuvent choisir ce qui leur convient le mieux ?
Danièle :
Je peux aller dans le détail et mentionner le nom de chaque personne, ou bien faire un simple paragraphe au cours duquel je fais allusion aux absents en restant superficielle. Et ces mots peuvent être accompagnés (ou pas) d’un geste symbolique.
Mais au cours d’un mariage, on n’est pas là pour plomber l’atmosphère, il ne s’agit pas de s’attarder sur ce moment d’hommage.
Margaux :
Est-ce que tu tiens compte du fait que les défunts étaient proches d’une grande partie de l’assemblée ou pas ? Est-ce que tu impliques les proches dans ce questionnement ou bien c’est aux mariés seuls de prendre la décision ?
Danièle :
C’est les mariés qui prennent leur décision.
Parfois, quand on ne mentionne que les prénoms, sans le lien d’attachement, le message s’adresse uniquement aux bonnes personnes. Si on parle de José par exemple, ceux qui savent qui est José devineront ce qui se joue, pour les autres ça restera abstrait. Par contre, je m’assure que nommer les prénoms c’est ok, parce qu’il y a une forte dose émotionnelle à gérer quand on entend le prénom d’un disparu.
Je pose toujours la question pour savoir comment les autres proches qui connaissent le défunt vont réagir. Mais je laisse les mariés prendre la décision pour leurs proches.
Margaux :
Est-ce qu’on peut faire participer les proches à l’hommage ?
Danièle :
On peut ! On peut même faire participer toute l’assemblée ! Et dans ce cas, c’est souvent au travers d’un geste symbolique. Par exemple, on peut choisir quelqu’un d’autre que les mariés pour allumer la bougie : les enfants, les frères et sœurs…
Ou bien pour faire participer tout le monde. Pour la sortie des mariés, on peut mettre à disposition des petits paniers remplis de pétales. Et on explique que les pétales sont en l’honneur des défunts. On peut mettre le nom des défunts sur certains paniers et les gens choisissent à qui ils ont envie de faire honneur, ou choisissent de piocher seulement dans les paniers qui n’ont pas de nom s’ils préfèrent. On peut aussi mêler des paniers avec des souhaits pour les mariés pour associer aussi des choses joyeuses. Ce que j’aime bien, c’est que chacun est libre de choisir ce qu’il veut faire en fonction de sa sensibilité.
Margaux :
Peux-tu partager quelques hommages classiques qui s’intègrent bien à une cérémonie de mariage ?
Danièle :
La bougie passe en général très bien. C’est un symbole très largement associé au deuil dans notre culture, donc il demande peu d’explication.
Une photo des absents sur une table suffit parfois. Il n’y a rien besoin de dire d’autre pour marquer leur présence. C’est identifiable de loin, les gens comprennent qu’ils sont là.
On peut aussi laisser une chaise vide au premier rang. On peut la décorer, mettre une photo ou un objet qui nous fait penser au défunt. On ne mentionne rien, mais les gens viennent voir en général, parce que cette chaise vide, même de dos, elle interpelle.
Margaux :
Peux-tu nous donner quelques souvenirs des hommages aux absents les plus marquants que tu aies vécu au cours d’une cérémonie de mariage ?
Danièle :
Une fois, j’ai proposé quelques secondes de silence pour un hommage et les gens se sont mis à applaudir spontanément. Il y avait une belle bande de copain, il y en a un qui a lancé le mouvement et tout le monde a suivi. Ce n’était pas prévu et j’ai trouvé ça super beau, parce qu’en plus ça a duré. C’était hyper chaleureux. Les mariés ne s’y attendaient pas non plus, c’était un beau moment.
Et puis le dernier, c’était samedi. Je ne suis pas trop pour les lâchers de ballon pour des raisons écologiques, mais c’était leur choix et j’ai trouvé ça super beau. Les mariés ont fait leur entrée en tenant chacun un ballon blanc qu’ils ont lâché en hommage aux absents. Il y a quelque chose de très beau parce que ça va « là-haut »…
Et je me dis que pour l’aspect écologique, on peut remplacer ces ballons par d’autres choses qui s’envolent : des bulles, une plume soufflée.
Margaux :
As-tu en tête des demandes insolites de la part des mariés pour rendre hommage à un proche disparu ? Des choses auxquelles on ne s’attend pas ?
Danièle :
Pas particulièrement… Mais au début de ma carrière, j’ai fait un hommage pour un marié qui avant perdu son papa, et qui 20 ans plus tard était toujours très à vif. Il a eu besoin qu’on insiste beaucoup dessus : « Papa, j’aurais aimé que tu sois là », « Papa, tu me manques, j’aurais aimé que tu voies ça… », « J’aurais aimé que tu sois témoin de mon bonheur »… C’était particulièrement long. Je l’ai fait parce que c’était important pour lui et que sa femme était partante. Les gens savaient à quel point il était proche de son père et à quel point c’était difficile pour lui.
Mais objectivement, mettre autant de détail, je ne le referrai pas parce qu’on vient toucher une blessure qui n’est pas cicatrisée. En dire autant en entrée de cérémonie, c’est lourd… Pour cette fois, c’était très bien passé, mais c’est pas forcément quelque chose que je referrais.
Margaux :
Comment abordes-tu la question de l’hommage aux absents avec tes mariés ?
Danièle :
C’est clair que je ne commence pas à parler de l’hommage aux absents au premier rendez-vous. J’attends d’apprendre à les connaitre, à comprendre les liens de famille, les personnes importantes. Et je pose toujours la question à l’oral avant de la poser à l’écrit dans mes questionnaires.
Les deux voies, orale et écrite, sont intéressantes pour poser la question. En fonction des personnes, certains sont plus à l’aise avec l’un ou l’autre.
Et puis, il y a beaucoup de feeling. Quand je commence à aborder le sujet, il y a ceux qui s’engouffrent là-dedans parce que c’est une évidence. Et ceux que je sens plus réticents… Et là, je sais déjà que ça sera un non, ou qu’il faut faire quelque chose de léger.
Et ça arrive aussi que l’hommage soit pour un poilu à 4 pattes, parce qu’ils prennent parfois une place très importante dans nos vies. Une fois j’avais des mariés qui ont perdu leur chien 10 jours avant leur mariage. Et bien, on a allumé une bougie en forme d’empreinte de chien, ils l’ont gardé à leurs pieds pendant toute la cérémonie, et c’était parfait pour eux.
Margaux :
Comment les aides-tu dans leur réflexion ?
Danièle :
En fait, j’aborde la question quand on commence à parler du contenu de la cérémonie. Je leur demande s’ils veulent un hommage aux absents ou pas. Je les mets à l’aise, en insistant sur le fait que c’est OK de ne pas en avoir envie… et que c’est OK aussi d’en avoir envie, que c’est pas glauque. C’est important qu’ils se sentent à l’aise pour les deux réponses.
Pour qu’ils se sentent à l’aise avec leur choix, je leur fais relire l’hommage aux absents. Je ne fais pas lire mes cérémonies avant le jour J aux mariés, j’envoie seulement quelques extraits et l’hommage en fait toujours partie. Encore plus depuis que je suis formée aux funérailles… Pour les décès, je fais relire mes cérémonies funéraires à la virgule près par les proches, parce que ça peut jouer dans leur ressenti.
En faisant une relecture, les mariés sont capables de me dire s’il y a déjà trop d’émotions ou s’ils veulent au contraire aller un peu plus loin. Et là je modifie autant de fois qu’il faut, pas de souci.
Et surtout, je leur laisse la liberté de tout modifier jusqu’au dernier moment. Parce que je sais que ça dépend de leurs émotions du jour et ça on ne peut pas l’anticiper. C’est jamais arrivé, parce qu’ils l’ont déjà lu en avance. Mais je leur laisse cette liberté de changer d’avis autant de fois que c’est nécessaire.
Margaux :
Qu’est ce que ça t’apporte ta formation au deuil pour arriver à mener ces discussions avec les mariés ?
Danièle :
Ça m’a apporté encore plus d’écoute que j’en avais, encore plus de douceur. Et je pense que c’est vraiment depuis là que j’ai lâché des choses et que je donne plus de liberté, du moment que c’est OK pour eux.
Je m’adapte beaucoup plus. Et ça arrive souvent, au cours de l’accompagnement qui précède la cérémonie, d’apprendre que le papy est parti, ou la mamie… Il faut s’adapter à ça.
J’ai aussi eu un couple qui a perdu son bébé avant le mariage. Certainement qu’ils n’auraient pas signé avec moi si j’avais pas fait ma formation. On n’a jamais clairement abordé le sujet parce que j’étais pas là pour ça. Mais ils savaient que je pourrai doser juste. Sur leur certificat d’union, j’ai mis une étoile parce que c’était comme ça qu’il était représenté pendant la cérémonie. Et j’ai validé avec eux avant, ils étaient très contents. C’est typiquement le genre d’attention que je n’aurais pas eue avant de faire ma formation.
Photo : Anna Ivanova
Margaux :
Quels conseils donnerais-tu aux mariés qui ont peur de ne pas gérer leurs émotions ?
Danièle :
De prime abord, je dirais n’en faites pas.
Et si vous avez vraiment envie de savoir qu’ils sont là, avec vous, il y a plein de manières de le faire sans le dire. Par exemple, le petit médaillon attaché au bouquet de la mariée, les prénoms des défunts écrits sous les chaussures, la fleur préférée de la grand-mère dans le bouquet, le mouchoir de papy qui est dans la poche du costume du marié… Toutes ces petites attentions discrètes. Les mariés savent. En général les très proches savent. Et pour tous les autres, on ne dit rien. C’est un détail du décor.
Je suis tout à fait OK avec les émotions, une larme qui coule sur la joue, c’est normal parce qu’il y a le manque. Mais la personne qui s’effondre, c’est pas possible sur une cérémonie de mariage. Il faut savoir doser…
Margaux :
Quels feedbacks reçois-tu des mariés et des familles après les hommages vécus pendant la cérémonie ?
Danièle :
J’ai pas beaucoup de feedback des mariés parce qu’on en a suffisamment parlé en amont et qu’ils sachent à quoi s’attendre. Le feedback, je l’ai au moment de la relecture des extraits de cérémonie.
De la part des proches, ç’est seulement de la part de ceux qui sont très concernés. Ils me disent souvent « Merci, c’est hyper gentil de l’avoir inclus dans la cérémonie parce qu’il avait toute sa place ». C’est souvent des retours très simples.
Si ce sont des proches qui ont fait l’hommage à ma place, c’est moi qui vais les voir après pour leur demander comment ils se sentent et les remercier de l’avoir fait.
Margaux :
As-tu d’autres choses à ajouter ? Un dernier conseil à donner aux mariés qui ont envie de faire un hommage ?
Danièle :
De prendre le temps de se poser la question : « Quelle est la place de leurs disparus dans leur journée de mariage ? ». C’est important de prendre le temps pour ne pas se retrouver dans une vague de tristesse ou d’angoisse qu’on n’a pas anticipé.
Margaux :
Merci pour tout Danièle !!!!!!!!!!!!!!!
Pour résumer en quelques mots tous ces précieux conseils, je crois qu’on peut dire que le plus important c’est de s’écouter. Chaque histoire est différente, et pour chacune, il existe une façon unique de rendre hommage ou de consciemment faire le choix de ne pas en parler. Prenez le temps et sentez-vous libre de choisir ce qui correspond à vos croyances et à votre sensibilité. Faites le plein d’inspiration, mais souvenez-vous qu’il n’y a qu’une vérité à ce sujet, la vôtre !
Je remercie Danièle de tout mon cœur de m’avoir accordé du temps pour répondre à mes questions au beau milieu de sa saison des mariages. Qui, mieux qu’elle, aurait pu en parler ?
Si vous souhaitez la contacter ou en savoir plus sur son parcours d’officiante laïque, je vous invite à visiter ses sites web :
- Cérémonies de mariage : jtwya.com
- Cérémonies funéraires : rienquepourvosetoiles.com
Je suis Margaux, une officiante de cérémonie pétillante et créative prête à vous chouchouter ! Ma mission : mettre en lumière le sens de votre engagement au sein d’une cérémonie laïque inoubliable. Prêts à vivre les plus belles émotions de votre mariage ? Appelez-moi !